Extrait d’«Histoire de la Tunisie. De Carthage à nos jours »*
La Tunisie, dit-on, est le seul pays de la région où le « Printemps arabe » n’a pas accouché d’un épouvantable hiver. Trop déterministe, la métaphore saisonnière prisée par nombre d’observateurs ne rend pas compte des processus complexes qui ont différencié les destins récents des pays arabes ayant tenté d’en finir avec les dictateurs qui les emprisonnent depuis si longtemps. Tout au long de ce livre, on a inventorié les éléments d’une singularité qui a fait de la Tunisie ce qu’elle est, tout en en traçant les limites. Depuis 2011, cette singularité explique pour une grande part sa trajectoire atypique qui prend aujourd’hui plusieurs formes pouvant expliquer pourquoi le pays n’a pas sombré dans le chaos. On l’a dit, l’Afrique-Ifriqiya-Tunisie est un vieux pays aux frontières plus ou moins fixées depuis des siècles et qui ne doivent pas grand-chose au découpage colonial, créateur d’entités hétérogènes aux composantes arbitrairement regroupées sous le vocable d’Etat. Cette ancienneté tunisienne, la possibilité qu’elle a offerte à ses habitants de s’ancrer dans une histoire bien antérieure à celle inaugurée par les puissances impérialistes, a sans doute joué en faveur d’une gestion jusqu’ici relativement pacifique des conflits intérieurs.
*Histoire de la Tunisie. De Carthage à nos jours, Paris, Tallandier, 2019, pp448-49
*Sophie Bessis, historienne