La Tunisie en quête d’une reconfiguration et d’une gouvernementalité
Nous assisterons, après les quelques semaines euphoriques de la révolution, à une implosion de l’Etat nation configuré au cours de ces soixante dernières années autour d’un projet de société d’une identité commune d’un modèle tunisien. J’ai envie de dire qu’il y a en Tunisie deux sociétés civiles et un Etat devenu lui-même bicéphale ou schizophrène après la révolution. C’est là le débat qui a marqué toute la période de transition. C’est pourquoi il fallait œuvrer à unifier l’Etat et sa gouvernementalité autour d’un même projet. La Constitution est venue raccommoder le tissu national déchiré autour d’un projet consensuel, d’un véritable nouveau contrat social. Dès lors, la quête d’une reconfiguration de l’Etat passera inéluctablement par l’élimination de cette dichotomie. On réclamera une épuration de l’administration phagocytée par les défenseurs d’un autre modèle de société et de l’Etat à la faveur des résultats des premières élections de 23 octobre 2011. On réclamera le rétablissement de l’Unité de l’Etat national qui s’est disloquée et la restauration de sa crédibilité au service de l’intérêt général par un gouvernement légitime parce que réellement démocratique. C’est pourquoi nous pensons que cette phase historique du développement du pays, le souci et le défi sont d’instaurer un vrai Etat de droit, un Etat civil conduit par un pouvoir démocratique, un Etat fort qui veille à ce que la société du milieu, tolérante et ouverte ancrée dans son identité arabe et musulmane bien comprise soit protégée. Un Etat qui met en œuvre les valeurs de la Constitution et qui les fait respecter.
*Tunisie. Dix ans et dans dix ans. Ouvrage collectif. Tunis, Leaders, 2020, pp 158-59
* Fadhel Moussa, professeur universitaire, membre de l’Assemblée nationale constituante, maire de l’Ariana